Description
Acrylique sur Toile
sur chassis
100X80
Thibault Franc
Glaner la guerre
Le domaine du Défend, une bastide du siècle industriel, au sein d’un grand domaine agricole. Les Coutagne, une famille d’ingénieurs, de chercheurs, de poètes. D’énormes bâtiments de brique solide, aux centaines de chevaux, de manouvriers ; de la vigne, des vers à soie, du tournesol, du blé, de la vigne, la terre soulevée, sous la menace d’une vague de pierre faussement figée, la Sainte-Victoire, venteuse ou guerrière.
Présence dispersée du passé, plâtres et moulages, cadavres empilés, engrais peut-être pour la terre de Pourrières, murets de crânes et statues, carrières de marbre, éloge de la guerre et de la Légion étrangère. Comme des spectres s’élevant du sol lorsque tombent les vents, brumes de pierre et calvaires, fantômes des pins de Cézanne retombés en poussière, images rémanentes sur la rétine de glaise des champs irrigués, bourbiers des vins à venir pour le plaisir des bêtes, sangliers, renards, compagnies de perdrix, aigles de Bonelli, mercenaires du paysage.
Le peintre se glisse derrière les machines, à quelques mètres en arrière d’une riche moisson culturelle, pour ramasser le grain tombé, grappiller les miettes à l’automne du monde civilisé. Il glane, il assemble, il répare. Il est le détrousseur sur le champ de bataille, que l’on voudrait sinistre, mais où refleurissent déjà les racines profondes du monde. Pour perdurer, il jubile, comme un enfant devant son puzzle, un jeu infiniment dépareillé, de mots, de touches, de fragments : l’histoire des hommes, le livre de toutes les jungles, ce texte antique toujours à enluminer, sans fin.
Thibault Franc, septembre 2016